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Parentalité Créative

« Tu n’en as pas besoin ! »

« Oui, mais j’en ai tellement envie ! »

Pour les adultes que nous sommes, les envies, les désirs font pâle figure face aux besoins auxquels nous accordons toute la légitimité nécessaire. Quand un enfant exprime un besoin, nous parvenons à le satisfaire, nous  trouvons  que c’est moralement acceptable.

Combler un désir, en revanche, c’est ouvrir la porte à une longue succession de caprices :

dire « oui » à l’envie ferait le lit de mauvaises habitudes – notamment à celle d’un « vouloir » imposant et envahissant.

Car « vouloir », dans l’éducation traditionnelle, cela ne se fait pas. « Je veux » est une formule à éviter à tout prix lorsque l’on est enfant, pour ne pas déclencher un torrent d’indignation des adultes qui nous entourent. Mais que se passe-t-il lorsque nous confondons envie et besoin ?

 

Reconnaître un besoin

Dès la naissance, il nous arrive de reprocher à notre bébé de vouloir être et rester dans nos bras. Les commentaires dépréciatifs se mêlent à l’amusement de voir un nourrisson si petit obtenir ce qu’il veut après une séance de pleurs plus ou moins longue. On va commenter en disant par exemple : « Il sait ce qu’il veut », « Il est coquin », ou bien « Si tu le prends dans tes bras à chaque fois qu’il appelle, tu vas le rendre dépendant de toi », « Il ne faut pas céder à ses caprices », etc.

Nous commençons à regarder ce tout-petit à travers le filtre déformant de la manipulation, alors qu’il exprime un besoin impérieux : être contenu dans les bras de ses parents avec tendresse, retrouver un peu de la sécurité du ventre maternel, surtout ne pas être seul dans son berceau. Si l’on regarde de plus près les premières années de la vie, ce à quoi nous répondons sont réellement des besoins, et nous pourrions explorer notre histoire pour ce qui concerne les demandes que nous ne trouvons pas légitimes.

En effet, elles le sont pratiquement toujours, surtout lorsque nous avons tenté de satisfaire ce qui se présentait à nous au fur et à mesure, ce qui n’est pas une mince affaire quand les blessures de notre éducation nous envoient constamment des messages du genre : « Tu vas en faire un enfant mal élevé », « On n’a pas toujours ce qu’on veut dans la vie », « Saura-t-il se contraindre si je réponds à toutes ses demandes », « Je suis un parent laxiste, cela démontre que je ne sais pas me faire respecter », etc.

 

Le contrôle et ses effets

Parfois, nous avons essayé de contrôler notre bambin sur la question des besoins physiologiques. Prenons l’exemple de l’alimentation : il pourra se nourrir seulement à l’heure que nous avons choisie, peut-être avons nous pris l’habitude de le récompenser avec des bonbons, ou bien de le contraindre à avaler des aliments que nous jugeons sains mais qu’il n’aime pas du tout.

Peut-être considérons-nous de façon un peu imprécise le phénomène de la faim, ce qui peut nous faire dire par exemple : « Si tu avais faim, tu mangerais le plat que je te propose. » J’entends parfois des adultes évoquer les conditions dans lesquelles se déroulaient les repas chez eux.

Lorsqu’ils n’aimaient pas quelque chose et qu’ils étaient contraints de le manger, certains le gardaient dans leur bouche jusqu’au moment où ils pouvaient enfin le cracher aux toilettes. Je pense qu’un enfant peut avoir une faim sélective, car il aura envie de manger ce qu’il aime et lui fait envie, et il aura besoin de faire tout un chemin d’apprivoisement des aliments avant d’avoir un régime adapté à ses besoins.

Les refus ne sont que très rarement définitifs : quand les enfants se sentent en sécurité et peuvent mettre dans leur bouche ce qu’ils décident d’y mettre, ils peuvent avancer à leur rythme et déguster peu à peu les aliments qu’ils repoussaient hier.

D’autre part, les envies alimentaires  sont souvent le reflet de véritables besoins, voire de carences.

Nos décisions affectent l’expression des besoins de nos enfants. Car ils vont probablement essayer de les satisfaire autrement, puisque tout leur être leur demande de restaurer un équilibre perdu, puis ils finiront par devenir sourds aux messages que leur corps leur enverra, ce qui aura diverses conséquences en termes de compulsion avec la nourriture, ou d’oubli de soi. Tout ceci ne sera pas sans effets sur leur santé physique et psychologique.

Il est bien difficile de faire la part des choses entre désirs et besoins, en particulier lorsque notre enfance s’en mêle. Certains d’entre nous vont considérer que seuls les besoins physiologiques sont de véritables besoins : manger, boire, éliminer, dormir, ce à quoi on pourrait ajouter recevoir des contacts physiques affectueux. Mais qu’en est-il des besoins d’apprendre, de découvrir, de décider pour soi, de créer, de partager, de vibrer avec les autres à l’unisson : sont-ce des désirs ou des besoins ?

Il me semble que pour qu’un individu s’épanouisse pleinement, il lui faut bien autre chose que nourriture, abri, sommeil, écoute de ses besoins d’élimination, et même si on ajoute à tout cela les contacts physiques affectueux, il s’agit bien d’une base qui ne fait en aucun cas une vie pleine de sens.

Revenons aux désirs, car si les désirs révèlent souvent des besoins, que dire d’un enfant qui aurait envie d’un vélo par exemple, ou d’un jeu vidéo, ou de toute autre chose. Écouter d’abord ce désir est important, puis réfléchir avec l’enfant aux solutions possibles qui s’offrent à lui. Un désir de cette nature peut peut-être attendre : qu’il ait réuni la somme nécessaire pour atteindre son but, qu’il ait trouvé une solution d’occasion plus accessible financièrement, en bref on va solliciter sa créativité, et muscler sa capacité à trouver des solutions aux problèmes qui se poseront à lui. Cela ne veut en aucun cas dire qu’à chaque fois qu’un enfant demande quelque chose il devrait en passer par là.

Mais quand on ne peut pas accéder à la demande d’un enfant, cela n’empêche ni de l’écouter, ni de l’aider à trouver des idées pour atteindre son objectif. Il va nous arriver de refuser aussi, les refus entraînent des crises de rage salvatrices qui guérissent l’enfant de la frustration qu’il endure. C’est un processus très au point, il suffit de le laisser s’exprimer.

 

Vouloir

Très souvent, notre volonté de bambin a été brisée par méconnaissance de ce que sont les demandes d’un enfant, de son comportement à ce sujet, puis, à 16 ans ou plus tard, on nous a peut-être reproché de n’avoir aucune volonté !

Nous avons probablement tout un travail à faire sur nos propres désirs et besoins. Que voulons-nous faire de notre vie ? De la journée qui va suivre ? Ce sont des décisions que nous ne prenons parfois plus. Et pourtant, c’est aussi notre attitude qui inspire nos enfants.

En réalité, vouloir est un extraordinaire moteur qui fait tourner harmonieusement tous les rouages de notre existence. Même si elle demande parfois à être limitée, la volonté d’un enfant est très précieuse pour son avenir.

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