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« Non, c'est non !»

« Non, c’est non ! »

« NON, C’EST NON ! » : CETTE MÈRE ÉTAIT TRÈS AFFIRMATIVE, SÛRE D’ELLE ET PRESQUE EFFRAYANTE. SON PETIT GARÇON DE TROIS ANS VOULAIT CONTINUER À SE PROMENER DANS LE TGV, MAIS LA BALADE LAISSAIT PRÉSAGER QUELQUES INCONVÉNIENTS POUR LES VOYAGEURS, BIEN QU’IL SOIT TRÈS AVENANT ET FASSE DE MAGNIFIQUES SOURIRES À CHACUN.

Après une quinzaine de minutes, la maman semblait gênée et ne savait plus comment faire. Son refus est tombé comme un couperet, son petit garçon s’est alors mis à pleurer. Il était désarçonné : elle avait changé de visage, la colère l’avait envahie. On pourrait dire que cette mère sait se positionner. Mais qu’en est-il au fond ?

« Non » : un mot magique, un mot qui dit « stop », « je ne veux pas », « je ne suis pas d’accord », « je n’ai pas envie », un mot qui pose nos limites personnelles. Pourquoi traîne-t-il avec lui cette épouvantable réputation ?

Des refus, les enfants en entendent beaucoup, et surtout lorsqu’ils commencent à se déplacer. « Non », « Ne touche pas ! », « Mais je t’ai dit non. » Plus tard, le « non » se présente de façon automatique : « Papa, je peux sortir ce soir ? », « Non… Enfin attends, je vais voir. » Le « non » est là, à notre porte, et se présente bien plus fréquemment que le « oui ». Ce « non » émis de façon mécanique n’est pas un véritable positionnement ancré, et donc, pour être entendus, nous avons le sentiment qu’il faut à tout prix faire peur à l’enfant.

Qu’en est-il lorsque nous avons à affirmer un désaccord à des adultes ?

DIRE NON À UN ADULTE

Difficile pour Pierre de dire non à un autre adulte, il prendrait alors le risque de ne plus être aimé. En même temps, le fait de ne pas savoir dire non le pousse parfois, au bout d’un certain temps, à se défendre avec agressivité parce qu’il n’a pas su dire non au moment où son être le poussait à le faire. Il ressent alors de la honte, parce qu’il n’a pas pu dominer ses émotions.

« Quand on me dit non, je me sens complètement rejetée et blessée. La plupart du temps, j’évite de demander pour ne pas en prendre le risque » relate Clara lors d’un groupe de parents, évoquant les refus que lui opposent ses amis. Ils lui semblent insurmontables. Le « non » fait resurgir des peurs irrationnelles engrangées en elle depuis l’enfance, et nous sommes nombreux à être dans le même cas qu’elle.

COMMENT NOS PARENTS NOUS DISAIENT-ILS NON ?

Si j’en crois les nombreux témoignages que j’ai entendus sur ce thème, les « non » de nos parents étaient effrayants, et de plus parfois formulés de manière violente. Le désaccord était accompagné de sa triste escorte de mauvais traitements et d’humiliations. Cela a pu commencer par un « non » émis avec vigueur, sans équivoque quant au ton utilisé, assorti d’une tape sur la main par exemple.

Le « non » était souvent asséné sans aucune explication. Nous ne comprenions rien, mais nous avions peur de la colère de nos parents. Éviter la violence et les explosions de rage était devenu une question de survie. Avec les parents, il y avait une règle implicite : « Je t’aimerai si tu fais ce que je veux. » Il fallait à tout prix éviter de demander et par conséquent de mettre nos parents dans la position de dire non. Nous pouvions aussi nous mettre à espérer de notre côté : « Si je fais ce qu’ils veulent, ils m’aimeront enfin. » Ce sont des « jeux » qui continuent à se pratiquer à l’âge adulte : « Si je fais ce qu’il me demande, il va m’aimer. »

Ayant grandi dans un tel contexte, il n’est pas étonnant que nous ayons développé la crainte de ne pas être aimés lorsque nous disons non à un adulte, ce qui rend très complexe l’affirmation de ce que nous sommes. Nous demandons le moins possible, voire pour certains d’entre nous pas du tout, pour nous protéger d’un refus catégorique. Les chances d’obtenir une acceptation bienveillante disparaissent : on ne sait jamais, et si c’était non ? Nous voilà revenus dans la peau de l’enfant que nous avons été, apeuré, craignant la réaction des adultes.

En revanche, avec nos enfants, nous rejouons ce que nos parents faisaient avec nous, en refusant haut et fort très fréquemment. Un peu comme si le fait d’émettre un « non » tonitruant devait suffire à mettre un terme à une action inappropriée.

ABANDONNER LE « NON » ?

Certaines méthodes nous recommandent d’abandonner le « non » au profit du « stop », ou d’une confrontation des besoins réciproques qui s’expriment. En matière d’accompagnement des enfants, nos choix s’avèrent très personnels et la variété des propositions permet le développement d’une grande richesse. En ce qui me concerne, j’aime la clarté du « non ». Mes enfants ont rapidement su que certaines actions étaient impossibles, de l’ordre du non négociable.

Tergiverser pour aboutir au même résultat peut s’avérer frustrant pour l’enfant et pour le parent. Pourquoi négocier ce qui n’est pas négociable ? Après réflexion, ma liste de limites non négociables contenait seulement deux éléments :

– ne pas frapper un autre être vivant ;

– ne pas détruire les biens des autres ou les nôtres.

Bien entendu, j’assortissais la dimension inacceptable de certaines actions d’explications simples. Mais leur clarté ne laissait pas de doute sur l’évidence du refus.

Un enfant n’a pas besoin de craindre ses parents pour mettre en place une action juste. Bien au contraire, la peur démobilise ses capacités intellectuelles. Notre colère l’inquiète et le culpabilise. Quand, dans nos échanges avec lui, le message implicite dominant reste : « Je t’aime et tu peux compter sur moi. », notre enfant continue à nous faire confiance. C’est ce dont il a besoin pour comprendre ce que nous lui demandons. On peut dire non pour arrêter en douceur une action quand les circonstances le permettent.

NOS ENFANTS SE POSITIONNENT

Alors que nous apprenons à leur poser des limites, nos enfants expriment leur désaccord avec conviction. La période où ils développent un certain pouvoir sur leur vie est aussi le moment où ils commencent à utiliser ce mot magique : « non », qu’ils ont probablement déjà entendu un grand nombre de fois. Ils s’entraînent à dire « non », puis « oui », un peu comme ils appuieraient sur un interrupteur : ils constatent les effets de ces paroles, ils se rendent compte que ce mot a un pouvoir, si toutefois nous les en laissons faire l’expérience. Car ils ont eux aussi le droit de dire non.

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais plus jeune je voulais que mon enfant sache se protéger, dire non aux abus, à l’agression, mais qu’il dise aussi systématiquement oui quand il s’agissait de vider le lave-vaisselle.

Face au refus de l’enfant (par exemple d’effectuer une tâche ménagère), nous sommes un peu désemparés. Diverses options s’offrent à nous :

– l’aider à effectuer la tâche qu’il ne veut pas accomplir ;

– faire le travail à sa place ;

– écouter son désaccord et trouver une solution ensemble ;

– écouter son désaccord et rester sur les bases du contrat initial (si l’attribution des tâches ménagères a été discutée en conseil de famille par exemple) ;

– proposer de différer l’exécution de cette tâche…

Il n’y a pas une seule réponse, mais plusieurs possibilités que nous choisirons en fonction des circonstances, de l’âge de notre enfant, de son point de vue, de notre niveau de fatigue, etc. Il y a tant de paramètres à prendre en compte dans une famille qu’il serait trop long de les énumérer ici. Et en aidant un enfant, ou en effectuant de temps à autre son travail à sa place, n’est-ce pas un exemple de solidarité que nous lui montrons ?

 

Il me semble que les adultes, lorsqu’ils savent se positionner avec bienveillance auprès d’autres adultes, savent formuler des « non » respectueux à leurs enfants. En même temps, ils montrent à l’ensemble de la famille comment s’affirmer, et c’est un cadeau inestimable qui aide chacun à exprimer ce qu’il désire !

Savoir dire non nous aide aussi à dire : « OUI ! », non pas sous pression, mais en ouvrant grand notre cœur.

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