Le burn out, fourre tout de la mémoire traumatique.
Accueillir un premier enfant révèle nos attentes le concernant. Le plus souvent nous n’imaginons pas les difficultés et encore moins le fait qu’il va réveiller notre mémoire traumatique. Alice Miller parlait d’une chambre où réside tous nos vieux monstres, elle disait que notre premier enfant avait la clé de la porte de cet endroit mystérieux.
Notre premier bébé réactive nos blessures d’enfant, et nous retrouvons en nous à notre grande surprise, des comportements que nos parents ont eu avec nous et que nous nous étions bien jurés de ne pas avoir avec nos enfants. Quand je pense au burn out, à l’épuisement également, je fais un constat : ils se marient très bien avec la violence. Quand nous sommes fatiguées nous passons plus souvent à l’acte.
Nous ne réfléchissons plus nous réagissons à partir de nos blessures d’enfant passées. La fatigue nous pousse dans nos derniers retranchements. Elle n’est en rien responsable de la violence éducative ordinaire, mais elle nous rend beaucoup plus sensible et réactif. C’est cela qui alimente notre violence quotidienne… Et la violence nous taraude, et nous vide de notre énergie car la majorité d’entre nous ne la veut pas, nous sommes dans un conflit intérieur qui nous ronge.
Cela fait très longtemps que je réfléchis à ces phénomènes, épuisement et violence qui se nourrissent mutuellement.
J’ai le sentiment que 80 pour cent des causes de notre burn out sont expliquées par ces phénomènes : nos attentes d’abord, le contrôle et la violence qui en découle, le conflit intérieur qui nous mine car au fond ce n’est pas ce que nous voulons pour notre enfant.
Il n’est pas rare que nous espérions que notre enfant dorme lorsqu’on le mettra au lit, qu’il mange à table avec nous sans faire d’histoires, qu’il s’exécute quand on lui demandera quoique ce soit dans le calme, etc.
Nos illusions sont nombreuses et sont à la fois issues de notre propre histoire mais aussi de la culture ambiante qui véhicule sans cesse des images de ce qu’est un enfant, et de ce que doivent faire de « bons » parents. Les « bons parents » savent se faire obéir : c’est un terrible mythe qui est à la base d’une guerre sans merci menée contre les enfants.
Puisqu’il faut se faire obéir, il va falloir contrôler leur comportement, c’est à nous de faire en sorte qu’ils dorment un certain nombre d’heures, qu’il mangent à table des aliments que nous avons préparés, qu’ils satisfassent aux standards d’hygiène en cours, et qu’ils apprennent aussi à maîtriser leurs comportements.
Comment sauraient–ils faire tout cela sans notre intervention ? La mise en place d’un contrôle sans relâche assorti de mesures de rétortion si nos enfants résistent (ce qu’ils ne manqueront pas de faire) devient indispensable, nous devons les pousser à faire ce que nous attendons d’eux. Être parent devient dans ce contexte une source d’épuisement totale. Nous n’en pouvons plus et nous nous sentons en échec, il arrive que nous recourrions à la violence éducative ordinaire pour parvenir à nos fins.
Nous leur faisons tellement peur quelquefois qu’ils finissent par avancer tristement dans la direction que nous avons choisie. Et nous culpabilisons sans cesse, nous remettons en question notre parentalité sans savoir s’il y a des issues. Elle est coûteuse cette guerre ! Elle nous prend beaucoup d’énergie, elle nous use lentement et sûrement. Et elle nous vole un peu plus chaque jour le lien de confiance que nous pourrions avoir avec notre enfant.
Nous sommes de plus en plus épuisées par nos folles exigences, celles qu’avaient déjà nos parents avec nous.
Et notre enfant devient de plus en plus craintif, son comportement loin de devenir rationnel et relativement prévisible devient anarchique parfois et incompréhensible à moins qu’il ne se conforme et devienne sage à vie.
C’est le drame de l’enfant qui perçoit la moindre exigence de ces parents et s’exécute immédiatement sans exprimer aucune émotion. Il sait que ses parents ne supporteraient pas ses manifestations d’insatisfactions et il prend en charge leur incapacité à accueillir ce qu’il est. Peu à peu nous avançons, nous prenons conscience de ces blessures d’enfant qui entravent notre vie de famille. Nous avons une idée de plus en plus précise de ce qui nous épuise.
Et nous commençons à lutter contre nous mêmes pour ne pas céder à ce que notre mémoire traumatique nous pousse à faire de façon automatique. Et cette lutte qui est un premier pas vers l’accompagnement respectueux des enfants, nous épuise également. Grâce à des rencontres, des lectures, des formation, des thérapies, nous avons basculé de l’autre côté et cette fois c’est contre notre violence que nous nous battons.
Les changements que nous souhaitons apporter dans notre famille surprennent les enfants, qui vont souvent chercher à se rassurer. Ils veulent tellement être sûr que la violence ne reviendra sous aucun prétexte, qu’ils peuvent aller très loin dans les comportements que nous ne pouvions pas supporter avant nos prises de conscience.
Et puis il y a notre entourage, notre famille proche qui peut mettre à rude épreuve nos convictions. Il est possible que nos parents culpabilisent aussi même s’ils ne l’expriment pas. Les relations tendues avec eux, sont aussi source de fatigue. Cette étape est transitoire, nous allons continuer à apprendre, et à comprendre que la direction que nos enfants choisissent pour eux–mêmes est aussi la plus adaptée à ce qu’ils sont.
Bien sûr nous allons avoir à limiter certains comportements et donner des informations, mais le contrôle cèdera la place à l’acceptation, à l’accueil de ce qui est. La confiance apporte un tel soulagement ! C’est ainsi que peu à peu notre énergie revient en force. Et avec elle notre vitalité joyeuse, assortie d’une créativité infinie. Nous nous sommes débarrassés de toutes ces attentes, pour simplement accueillir, aimer, accompagner, être le témoin fasciné de la croissance de ces petits êtres avec lesquels nous avons un jour pris la décision de vivre. Déconstruire les rouages de l’éducation traditionnelle, celle qui exigeait des parents qu’ils se fassent obéir est un bon moyen de pré venir le burn out.
Mais aussi pleurer régulièrement pour relâcher les tensions dues à nos vieilles blessures car est un moyen très efficace qui est à la portée de tous. Dormir autant que possible en particulier quand on accueille un bébé et penser que dormir avec lui nous aide à récupérer, car nos rythmes de sommeil se calent sur les leurs quand nous dormons ensemble et même si ce n’est pas miraculeux, nous avons bien moins ce sentiment d’être épuisée dès le début de la journée.
Accompagner des enfants dans le respect nous aide à faire face aux accidents de la vie, même s’ils nous surprennent nous les vivons autrement. Nos enfants nous apprennent à nous abandonner aux circonstances et à laisser remonter les émotions salvatrices.
Faire appel à ses amis pour avoir de l’aide, pour partager les difficultés, les joies et les peines, rire ensemble, organiser des pique nique avec les enfants et arrêter de courir pour savourer chaque instant de notre vie ensemble.
Catherine Dumonteil Kremer
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