« Dit bonjour à la dame »

Je dois aller à la poste, ah oui et puis aussi faire quelques courses… Je marche d’un bon pas comme souvent quand je suis pressée, j’appréhende une longue attente pour l’expédition de mes colis… C’est alors que j’entends ceci : « Il est tout petit ton sac ! », une petite fille m’interpelle, elle n’a pas plus de deux ou trois ans.

Je me retourne et je lui explique que ce sac qu’elle trouve absolument fascinant n’est autre qu’un fourre-tout réutilisable et qu’il a la particularité de se loger dans une poche en forme de fraise. C’est ce qui lui a plu ! Elle a un sourire jusqu’aux oreilles.
Sa maman navigue entre gêne et étonnement, elle a l’air contente quand même qu’une adulte réponde à sa fille. Ce n’est pas si courant, c’est vrai que certains inconnus répondent aux questions spontanées des enfants, mais que d’autres les ignorent inexorablement.

Une prise de contact joyeuse
En ce qui me concerne, je l’envie cette petite. Elle et sa capacité à entrer en contact joyeusement avec quelqu’un qu’elle ne connaît pas, comme ça, simplement poussée par la curiosité. Elle n’est pas seule à son âge à avoir le contact facile ! Mais serait-ce la même fille qui ne veut pas dire bonjour à ses grands-parents ? Est-il possible qu’une petite personne aussi sociable en soit réduite à une telle extrémité ? Je crains bien que oui ! Les enfants de cet âge résistent très fort à ce qui n’a pas de sens pour eux. Les conventions sociales font partie de ces codes qu’il leur est difficile de mettre en pratique.
« Dis bonjour à mamie, allez, dis bonjour, et fais-lui un bisou ! » Les enfants ont leur façon très personnelle de réagir à ces injonctions : ils se blottissent dans nos jambes ou bien partent en courant dans la direction opposée, à moins qu’ils ne choisissent de s’exécuter à contrecœur.

Ce sont des situations un peu gênantes pour nous, qui nous valent parfois des commentaires dépréciatifs sur le comportement de nos petits. Ils seraient mal élevés, aux dires de certains. Nos parents et amis peuvent aussi se sentir rejetés par un enfant qui ne dit pas bonjour. L’enfant n’en est en rien responsable, mais des blessures anciennes peuvent surgir à tout moment chez les adultes.

Voici quelques idées pour vous sortir de l’embarras
Pour le moment votre enfant ne dit pas bonjour, il est en train d’apprendre, vous pouvez l’expliquer très simplement à vos visiteurs. Et si vous embrassiez la personne que vous accueillez une deuxième fois ? Elle serait peut-être surprise, amusée, mais il y a peu de chance qu’elle vous en veuille…
N’oubliez pas de pratiquer vous-mêmes. Votre enfant apprend par imitation, très bientôt il saluera son entourage avec beaucoup d’aplomb. Mes trois filles sont passées par un stade où elles disaient « bonjour » aux inconnus dans la rue, insistant lorsqu’on ne leur répondait pas. Les adultes ne sont pas toujours très coopératifs.

Les conventions : mensonges ou opportunité de connexion ?
Ce n’est pas simple de comprendre qu’il « faut » dire bonjour mais pas aux inconnus, enfin pas à tous, seulement dans certaines circonstances. Il faut d’une certaine manière en prendre l’habitude, on pourrait aussi dire se conditionner. Alexander S. Neill, précurseur dans le domaine de la reconnaissance de la dignité des enfants, évoquait les conventions comme autant de mensonges que nous tentons d’enseigner à nos petits. En effet nous saluons notre voisin de façon automatique, même si nous ne l’apprécions pas vraiment.
On peut aussi voir les choses autrement. En effet, la convention ne pourrait-elle pas nous aider à nous reconnecter à cette empathie naturelle que nous avons tous pratiquement depuis notre naissance ?

L’apprivoisement : une clé
Dans ce domaine, les bambins sont des maîtres. Pour peu que l’on s’intéresse sincèrement à eux, ils peuvent entrer en contact avec n’importe qui sans tenir compte de son âge, de sa classe sociale, de sa couleur de peau. En définitive, les enfants ont besoin de vraies relations avec des adultes vivants, joueurs, attentionnés. Ils aiment par-dessus tout être en lien à partir du moment où on a pris la peine de les apprivoiser ! Une qualité à préserver…

Catherine DUMONTEIL-KREMER

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Catherine Dumonteil-Kremer, formatrice en parentalité positive

Avec plus de 30 ans d’expérience dans le soutien à la parentalité non violente, Catherine Dumonteil Kremer a fondé la Journée de la Non-Violence Éducative (JNVE) en France en 2004. Elle a créé le métier de consultant en parentalité et le programme « Vivre et Grandir Ensemble », premier programme français validé par la recherche.

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