Instruction en famille et désir d’apprendre

De nombreuses familles choisissent la non-scolarisation parce qu’elles veulent respecter les rythmes de leurs enfants et surtout que ceux-ci cultivent eux-mêmes (ou préservent intact) leur goût d’apprendre. D’ailleurs, le rapport du CERI (Centre pour la Recherche et l’Innovation dans l’Enseignement) montre bien que l’instruction en famille préserve le goût d’apprendre.

On peut lire dans ce rapport, intitulé Comprendre le cerveau : naissance d’une science de l’apprentissage, entre autres choses passionnantes, au sujet des liens que l’on pourrait établir entre le fonctionnement du cerveau et l’apprentissage : « Plus nous en apprenons sur le cerveau humain, en particulier les premières années de l’existence, moins nous sommes à l’aise avec le modèle traditionnel de la salle de classe et le programme imposé de l’éducation formelle.

« Et encore : « Comment font les gens pour apprendre au mieux ? Et où aiment-ils le mieux apprendre ? Certains préfèrent apprendre chez eux, d’autres au travail, d’autres à l’université. La réussite remarquable de la scolarité à domicile pourrait avoir des implications révolutionnaires. »

Une préoccupation centrale :

Le goût d’apprendre, voilà qui préoccupe tous les parents qui prennent un jour la décision de déscolariser leurs enfants. C’est le cas d’Hélène K., étudiante en sciences de l’éducation mais aussi maman de quatre jeunes enfants non scolarisés. Sa formation la pousse à considérer sa décision sous un éclairage plutôt positif : « Aujourd’hui, de nombreuses études existent dans le domaine de l’apprentissage. On a démontré par exemple que le stress, la pression que subissent les élèves en classe, nuisent aux acquisitions scolaires.

Les exigences des enseignants, l’évaluation, la crainte de se tromper deviennent angoissantes et sont des obstacles pour les enfants ; la compétition est également néfaste.

Beaucoup d’éléments que j’étudie me confortent dans mes choix. Nos enseignants sont souvent très critiques vis-à-vis du système scolaire, mais ils essaient de trouver des solutions qui correspondent aux contraintes imposées par le groupe classe et le programme.

Personne ne songe un instant à l’école à la maison comme solution possible aux problèmes d’apprentissage, ce serait pourtant simple ! Je suis également rassurée quand je vois mes enfants en butte à certaines difficultés car je sais que celles-ci font partie du processus d’acquisition ! »

La motivation moteur de l’apprentissage :

« Ce que nous savons, c’est que la réussite est probable si l’apprenant a une grande assurance et une bonne estime de soi et une forte motivation pour apprendre ». Voici encore une conclusion du rapport du CERI cité plus haut. Hélène abonde également dans ce sens : « Ce qui marche, c’est la coopération, le fait d’avoir à surmonter une difficulté, et surtout que l’apprentissage fait sens pour l’enfant ou l’adulte. La motivation est indispensable pour n’importe quel apprenant… »

Les parents d’enfants scolarisés et les enseignants savent que la motivation des jeunes est une des problématiques majeures. « Ah ! Si seulement les élèves avec leur sac à dos pour enfant étaient motivés ! », se désespèrent en chœur les adultes composant les communautés éducatives dans les établissements scolaires du second degré, « cela changerait la face du monde ! »

Pourtant, nos enfants ne manquent pas d’intérêt pour l’apprentissage, ils sont passionnés et enthousiastes, et ceci depuis leur naissance. Un irrépressible désir d’apprendre les dévore dès les trois premières années de leur vie : ils explorent, recherchent, tirent des conclusions.

Ils ont un insatiable appétit de découvertes, on peut les comparer à de véritables scientifiques.

Cet appétit décroît-il avec l’intervention de l’école ? La question reste posée… Ces petits chercheurs, comme tous les êtres humains, sont passionnés par la connaissance et la compréhension en profondeur des phénomènes physiques observables à chaque minute dans leur vie quotidienne. Le désir d’apprendre est bien là, présent dans toute son intensité et sa fraîcheur, chez chaque enfant, tout comme l’intelligence du reste.

Cette intelligence que l’on a longtemps crue inégalement répartie entre les individus, voilà ce qu’en disent les chercheurs du CERI : « Aujourd’hui l’idée que l’intelligence humaine puisse être strictement limitée ou présente en faible quantité paraît des plus bizarres.

La seule chose que l’on puisse affirmer avec certitude à propos des limites de l’intelligence humaine (telles qu’elles sont mesurées par l’intelligence scolaire), c’est qu’elles sont inconnues et qu’elles continuent de déjouer nos prévisions. »

Enthousiasmant, non ? Et si l’on ajoute que notre façon de voir l’intelligence influe sur les performances des enfants, nous aurons une clé supplémentaire pour comprendre les réactions de nos jeunes apprenants.

Une autre manière de voir l’intelligence :

Dweck (1999) écrit que « c’est la conception que les individus ont de leur intelligence qui détermine dans une large mesure leur performance intellectuelle ».

Voici deux expériences édifiantes issues de la recherche en psychologie sociale : un « niveau » est aléatoirement créé par l’assignation d’un niveau scolaire (bon/mauvais) et les résultats sont annoncés.

Ensuite, un cours est donné et les copies sont réellement notées. Ceux qui ont été qualifiés de « bon élèves » se surpassent en interrogation orale (meilleur résultat qu’en situation anonyme).

Par contre, ceux qui ont été qualifiés de « mauvais » obtiennent un mauvais résultat en interrogation orale (pire qu’en anonymat).

Il est ainsi prouvé que la situation sociale a produit l’échec. La même démarche est refaite par l’assignation d’un niveau aléatoire à des mauvais élèves. Ceux à qui est attribué un échec conservent le même résultat (autour de 8/9).

Mais ceux à qui est attribué un niveau « fort » en début d’expérience obtiennent un très bon score en situation d’anonymat.

Cependant, ils ne le gèrent pas en situation publique et retiennent très mal les informations à mémoriser. L’instruction en famille peut donc être un moyen de protéger et de développer le désir d’apprendre des enfants, à la condition que les parents ne se fassent pas le relais de préjugés concernant la capacité à apprendre de leurs enfants, qu’ils renforcent leur estime de soi et qu’ils n’oublient pas que le désir de savoir et de comprendre est vigoureusement ancré en eux, même s’il est très vulnérable à la contrainte, et au stress…

Catherine Dumonteil-Kremer

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Avec plus de 30 ans d’expérience dans le soutien à la parentalité non violente, Catherine Dumonteil Kremer a fondé la Journée de la Non-Violence Éducative (JNVE) en France en 2004. Elle a créé le métier de consultant en parentalité et le programme « Vivre et Grandir Ensemble », premier programme français validé par la recherche.

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