Les étapes du « parentage »
Ce texte a été publié sur la liste Parents Conscients :
Sur la démission je rejoins complètement Morgane, accompagnement non violent ne signifie pas démission.
Je crois que cela signifie bien autre chose que cela. Pour moi il s’agit d’un investissement, d’un engagement, il s’agit de disponibilité, d’authenticité, il est question de congruence ou autrement dit de ne pas se mentir à soi même, il est question d’accueil d’acceptation, et d’affirmation de soi !
Et parfois, ce que je constate chez les adultes (ceux qui s’intéressent à la non violence) en général, c’est qu’ils sont prêts à écouter, à donner, à accueillir, mais s’affirmer c’est bien plus difficile. ça signifie demander pour soi, dire « je veux » et « je ne veux pas », « je me sens à l’aise ou mal à l’aise », « je suis d’accord », « je ne suis pas d’accord ».
Quand j’étais enfant, le fait de dire « je veux » était déjà insultant, on ne pouvait pas vouloir au présent ! Il était de bon ton de désirer au conditionnel : »je voudrais », « j’aimerais », je trouve cette limite très oppressive, même si nous sommes nombreux à la répercuter sur nos enfants, tant le « je veux » continue à écorcher nos oreilles ! Mais ce conditionnel qui n’a l’air de rien, masqué par cette politesse obligatoire, n’est que le reflet de l’amour conditionnel que nous avons vécu.
Quel chemin pour désirer à nouveau au présent, savoir ce que l’on veut vraiment au fond de soi.
Il va peut-être falloir se décider à parcourir cette route vers soi, pour exister vraiment aux yeux de nos enfants.
Le parentage que j’ai envie d’appeler « peau à peau », fusionnel, où l’on est soi même devenu quelqu’un d’autre, où nos petits prennent leur temps pour vivre à l’extérieur de notre corps, dure peut-être trois ou quatre ans, il laisse place au « parentage de proximité » où on est disponible, affectueux, écoutant, compréhensif, et parfois on est en conflit, en désaccord, et on s’affirme… Nos enfants le font très spontanément d’ailleurs.
Et on continue très souvent à dormir ensemble, à allaiter, à porter en alternance, le maternage de proximité met aussi quelque temps à laisser la place au « vivre ensemble » où il est question de l’existence de chacun, la personne se développe, nous avons un travail à faire pour l’accepter telle qu’elle est, tout en lui exposant clairement nos besoins, nos limites.
Vivre ensemble c’est complexe, mais nous restons les adultes ceux qui comprennent et qui écoutent le désarroi des adolescents, ce n’est pas sans confrontations, questionnements, ou sont les limites ?
C’est une question qui taraudent je crois la majorité des parents d’ado. Il y a des tentations qui pointent le bout de leur nez : la tentation de les prendre pour qu’ils ne sont pas : des oreilles attentives qui pourront entendre toutes nos difficultés, y compris celle que nous rencontrons dans notre couple. Ils sont grands physiquement, mais une fois encore ils ne sont pas là pour combler nos manques, pour partager notre solitude, ils ne nous doivent rien, le parentage c’est gratuit, totalement gratuit.
Au « vivre ensemble » succède la vie communautaire, et cela arrive de plus en plus souvent de dépasser 18-20 ans et de vivre encore chez ses parents.
La vie en communauté ce sont encore des ajustements à faire, pour nous il s’agit de lâcher notre fonction parentale, du moins celle que nous avons connue toutes ces années et qui peut peser encore très lourd dans la balance.
Nos enfants vont devenir adulte à condition que nous les laissions devenir complètement indépendant, avec leur rythme de vie, leurs relations, leurs besoins propres, c’est la disponibilité qui devient importante à mon avis, s’ils ne nous sollicitent pas (sauf exception) fichons leur la paix, ils vont partir et nous allons constituer pour eux, une sécurité, une source d’affection vers laquelle il sera toujours possible de revenir ou pas !
Tout cela pour dire quoi : que les étapes sont très différentes, elles s’enchainent on n’a parfois pas vraiment conscience que l’on passe de l’une à l’autre, mais les besoins de l’enfant sont différents et la réaction des parents ne sera pas la même face à un bébé qui pleure tout le temps, face à un bambin qui fait tomber un bibelot par terre, et face à un ado qui vit sans tenir compte des autres autour de lui.
Dans cette discussion on mélange les âges, pour autant on ne parle pas des mêmes étapes.
Ce qui est à prendre en compte également c’est que ces étapes sont interdépendantes, elles reposent les une sur les autres, et bien entendu quand une étape n’a pas vraiment eu lieu, elle offre une assise bien instable à la suivante qui ne se déroulera pas comme prévu, si tant est que l’on puisse prévoir quoique ce soit et ce n’est pas vraiment gagné. L’accompagnement des enfants n’est pas une science exacte, c’est un art soumis aux aléas de la vie.
Pour conclure rapidement, je crois qu’après la période du peau à peau, dans laquelle nous sommes plongées assez profondément, nous avons besoin d’exister, de montrer nos limites et nos besoins, de vivre nos vies, de réaliser nos rêves. Est-ce que cela signifie partir faire un tour du monde et laisser derrière soi ses enfants ? Non, il s’agirait plutôt de projeter un tour du monde avec ses enfants.
J’ai le sentiment qu’un grand nombre de parents se sacrifient pour leurs enfants, et donnent des modèles d’adultes qui sacrifient leur vie, la plupart des gens veulent que leurs enfants soient heureux, mais quand on écoute les enfants, ils sont vraiment heureux de voir les adultes heureux autour d’eux. Alors si vous souhaitez que vos enfants soient heureux commencez donc par vous mêmes, ce n’est pas incompatible avec un accompagnement respectueux des enfants.
Catherine Dumonteil-Kremer
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