Vivre avec des enfants nous rend-il créatifs ?
Avant, mon monde était simple. Je pouvais partir et revenir d’une minute à l’autre, décrocher mon téléphone et parler pendant des heures à mes amies, faire une heure de natation à la piscine et dans la même soirée bouquiner, aller faire une promenade, et décider, comme ça, d’aller au cinéma. Avant, les objets de mon quotidien étaient très disciplinés, destinés en général à un seul usage, une couverture était une couverture, un drap un drap. Mon univers était rassurant.
Mais ça, c’était avant… Quand ma créativité n’était pas sollicitée toutes les trente secondes par des petits êtres plein d’énergie et d’inventivité… mes enfants !
La créativité a le vent en poupe, mais quand je lis certains ouvrages qui lui sont consacrés je ne trouve nulle part l’idée que vivre avec des enfants la booste de façon incroyable. Notre monde a besoin de personnes créatives pour trouver des solutions à de nombreux problèmes urgents qui se posent et pourtant il a oublié toute une catégorie de gens qui, souvent pendant de nombreuses années, ont subi un entraînement intensif dans ce domaine précis : la résolution de véritables casse-tête, et ce, plusieurs fois par jour. Je veux parler de nous, les parents.
Un bébé, comment ça marche ?
Accueillir 3 kg de tendre mystère livré sans mode d’emploi, voilà un premier défi de taille !
Mais comment ça marche une relation avec un bébé… C’est inattendu, même si pour une majorité d’entre nous cette petite personne est devenue d’un instant à l’autre l’individu le plus important dans notre existence. Une des premières questions que nous avons eues à résoudre : comment combler les besoins de notre bébé tout en gardant une vie sociale, semble être le casse-tête le plus rebutant. Et pourtant, à l’aide de notre motivation et de notre imagination, nous avons fini par trouver des solutions auxquelles nous n’aurions jamais pensé avant [1]. Mais avant, n’est-ce pas, c’était avant, un tout autre univers où un simple cerveau nous suffisait, alors qu’avec des enfants il nous faut ajouter un turbo à injection à nos hémisphères cérébraux. Et cela se fait tout seul sans notre intervention. Un processus se met en route le jour de leur naissance.
La pensée divergente [2]
Nous sommes devenus champions de la pensée divergente, l’un des ingrédients de la créativité, qui consiste à trouver de nombreuses solutions à un problème, ou plusieurs usages à un objet. Elle nécessite une certaine flexibilité mentale. Elle n’est pas organisée et peut survenir dans un très court laps de temps, elle amène à notre réflexion des solutions nouvelles et très adaptées à nos difficultés du moment. Quand nous décidons de prendre notre repas sous la table, ou dans notre lit, quand nous sortons ensemble en pyjama dans la rue car il n’y a aucun moyen de faire en sorte que les enfants s’habillent, ou que nous trouvons un jeu pour avancer dans ce genre de circonstances épuisantes, à chaque fois que notre lit sert de terrain de jeu, de bateau affrété pour un long et périlleux voyage, de nid à câlins, de gymnase, nous pratiquons la pensée divergente.
Tout comme nos enfants, nous apprenons à détourner les objets de leur usage habituel : un porte-bébé en écharpe peut devenir couverture, balançoire, déguisement, jeu coopératif… Plus nous avançons dans notre fonction parentale, plus nous devenons créatifs.
Comme chaque moment de la vie quotidienne est devenu un axe de recherche, notre imagination est très souvent sollicitée. Un simple départ avec une famille de trois enfants est d’une redoutable complexité : comment faire quand le petit dernier chantonne aux toilettes, que l’aînée refuse obstinément de partir, que le second est devant un jeu vidéo, et que le père est déjà dans sa voiture clamant avec un air victorieux : « Je suis prêt ! ». Il y a de quoi perdre son sang-froid mais, la plupart du temps, nous trouvons des idées géniales pour résoudre ce problème ainsi que tous les autres, et plus nous trouvons d’idées plus notre créativité s’enrichit.
La créativité est nourrie lorsque nous associons des idées ou des souvenirs les uns aux autres, et c’est souvent ce qui nous permet de survivre et là encore de trouver LA solution nous permettant de faire face. Plus nous sommes curieux, plus nous sommes poussés à associer de nouveaux paramètres qui font surgir en nous de nouvelles idées.
Je pense au resto bain douche présenté récemment dans PEPS par une maman très créative qui a décidé de proposer à ses enfants de prendre de temps à autre leur repas dans le bain. Peu conventionnel et très efficace. Mais si on peut manger dans le bain, on peut jouer en mangeant, faire de la peinture en se lavant, danser et chanter ensemble dans la rue, c’est un autre secret des créatifs : ils ne sont pas conventionnels et sont tolérants à l’ambiguïté. Nous apprenons peu à peu à ne pas nous décourager si les premières solutions que nous proposons ne fonctionnent pas, et plus nous faisons appel à notre imagination, plus nous devenons persévérants.
Pour devenir créatif en vivant avec ses enfants, il nous faut sortir de nos schémas de pensée habituels. La créativité n’est pas conformiste et elle est dopée par les émotions positives.
Quand nous vivons chaque situation comme un problème à résoudre plutôt que comme une situation déprimante, nos émotions s’apaisent.
Avec des enfants, nous progressons grandement dans les relations sociales. Nous avons de multiples conflits à gérer dans une journée, de l’écoute à mettre en place, notre attention est requise parfois 24 heures sur 24. Avec le rôle de parent arrive l’idée qu’il nous faut le soutien d’autres adultes pour survivre, et c’est ainsi que nos capacités relationnelles se trouvent améliorées, et que nous finissons par prendre en charge le soutien d’autres parents, ce qui met au défi nos capacités créatives. Et la boucle est bouclée.
L'accumulation de connaissances
Pour être créatif dans un domaine, il est important d’avoir un minimum de connaissances du sujet qui nous intéresse, mais trop de connaissances peuvent aussi nous enfermer, et nous rendre rigides. Parfois, en accompagnant nos enfants, nous découvrons des méthodes, des techniques, des théories nouvelles, elles peuvent nous enfermer si nous n’y prenons pas garde. Le propre de notre progéniture, c’est de ne pas se laisser enfermer, et notre créativité, si nous la laissons évoluer, va combiner nos nouvelles idées ensemble et en faire quelque chose de complètement nouveau.
Nous avons la chance d’héberger chez nous les maîtres de la pensée divergente : nos enfants. Plus ils sont jeunes, plus ils sont à même de voir les choses sous des angles différents et originaux. Ils peuvent en cela être des inspirateurs. Ils découvrent eux aussi à chaque instant comment résoudre les problèmes de leur vie quotidienne. Ils ont un avantage sur nous, leur pensée n’est pas conventionnelle. Leur curiosité est sans limite, ils aiment découvrir et expérimenter. Ils prennent le temps de le faire et n’ont pas d’a priori les parasitant. Après avoir fait moult expériences, dès qu’ils se mettent à parler, ils posent des questions éminemment philosophiques. Encore de nouveaux défis pour nous à relever.
J’espère que cette lecture vous aura aidé à voir votre rôle de parents autrement. La prochaine fois que vous rencontrerez une difficulté, essayez de la voir comme une opportunité de développer votre créativité, cette simple idée pourrait vous donner des ailes ?
Vivre avec des enfants est une véritable ressource pour l’imagination, et est à la portée de la plupart d’entre nous, y compris de ceux qui n’en ont ni fabriqué, ni adopté. Il suffit de créer des liens d’amitiés avec les enfants des amis, et le tour est joué.
Et si vous voulez plus, voici quelques dopants de la créativité :
Mobiliser l’ocytocine, aussi appelé hormone de l’amour : elle est une aide à l’apprentissage et à la mémorisation. La mobiliser avec des enfants s’avère relativement facile. Un câlin, une douche chaude, un petit massage, et vous obtiendrez le soutien de cette hormone bienfaisante.
Jouer et rire le plus souvent possible !
Vous faire plaisir en vous accordant des pauses régénératrices, des micro-siestes, des bains voluptueux, des activités dynamisantes, ce qui vous aidera à avoir une vision positive de la vie dans les moments difficiles.
Pratiquer des brainstormings lors de vos conseils de famille. Il suffit d’énoncer le plus rapidement possible toutes les idées qui nous viennent à propos d’un problème ou d’un projet, y compris les plus farfelues : ce sont elles qui ouvrent la porte à notre créativité.
Tenir un journal de votre vie de famille : raconter, mais aussi dessiner, coller, laisser travailler votre inspiration. Parfois une seule phrase par jour suffit !
Parents et enfants sont des êtres en transformation constante. Chaque jour leur mode de pensée change, leur vision du monde évolue. Ces changements magiques opèrent lorsque nous décidons de comprendre les jeunes personnes qui partagent notre vie et d’accepter de laisser derrière nous les méthodes répressives que nous avons souvent connues enfants. Dans votre cerveau de parent une sorte de révolution est à l’œuvre et vous aide à prendre soin de vos petits, tout en vous rendant beaucoup plus « futés ». La plasticité de vos hémisphères cérébraux soutient vos efforts, cela devient de plus en plus facile de dépasser les obstacles. Le défi si exigeant pour notre matière grise qui consiste à accompagner des enfants avec bienveillance finit par faire de nous des personnes pleines d’empathie, capables de s’adapter, d’être à l’écoute, de combler leurs propres besoins, de se préoccuper de ceux des autres, et de trouver des solutions pour l’avenir de notre société. Être créatif devient alors une seconde nature.
Catherine Dumonteil Kremer
[1] Voir Le cerveau des mères : ou comment la maternité rend les femmes plus intelligentes, de Katherine Ellisson, éditions Marabout (2008)
[2] Voir le numéro 46 de Cerveau et psycho sur la créativité
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