Tu seras puni
« Il va payer » ou bien « Il va comprendre », voilà les deux objectifs d’une punition. Encore très largement pratiquée aujourd’hui au sein des familles mais aussi des collectivités : crèches, écoles, collèges, lycées, maisons d’arrêt, centres de détention (toutes les prisons françaises ont leur « mitard »), hôpitaux psychiatriques (l’isolement reste la
punition des malades agités), etc.
Punir, c’est blesser, faire mal à l’autre dans le but de l’amener à faire « bien ». Il y a mille façons de tourmenter un enfant. Tout ce que nous lui faisons sous la contrainte, pour lui démontrer qu’il a eu tort et qu’il faut faire autrement, entre dans cette vaste catégorie. Ainsi le sens des mots « apprendre » et « montrer » est totalement détourné à la
faveur d’une « pédagogie » dont les résultats néfastes sont chaque jour un peu plus mis en évidence.
Car l’enfant, comme tout être doté d’une mémoire, apprendra seulement à éviter la blessure.
Punir, un conditionnement
Car si nous sommes vraiment prêts à abandonner la punition physique, il en est tout autrement de celle qui consiste à retirer un « privilège » pour soumettre l’enfant et le conduire à adopter le comportement que nous souhaitons. Nous avons été élevés ainsi, toute notre société en est imprégnée, c’est un cap très difficile à franchir. Pourtant, il est possible d’accompagner un enfant sans le punir, autrement dit sans l’isoler, sans le priver de sortie ou de téléphone portable, à moins que ce soit d’argent de poche, ou bien de cette sortie avec nous qui le réjouissait tant.
« Ça lui apprendra » se dit-on… Mais nous pouvons lui montrer comment le monde fonctionne sans pour autant l’envoyer au coin, l’immobiliser ou lui faire assumer des conséquences trop lourdes pour son âge.
Et la sanction alors ?
Ces dernières années, la sanction éducative a fait son apparition comme une solution possible aux problèmes de discipline des parents, des éducateurs et des enseignants. Avec la sanction, on rationalise l’idée de « blesser » l’enfant en lui infligeant une punition en rapport avec son action. Par exemple, s’il a ramené une note basse en maths, sa sanction consistera à faire une série d’exercices en plus de son travail scolaire habituel. La sanction est une
punition qui ne veut pas révéler son identité. Elle reste pourtant une blessure infligée à l’enfant qui se sent sous pression, insécurisé, et parfois incompris dans sa difficulté.
Punition, culpabilité et attention
D’aucuns prétendent que la punition ou la sanction décharge de sa culpabilité la jeune personne qui a posé une action inadaptée : la punition serait libératrice. Vous êtes-vous déjà senti libéré par une punition ? Pour ma part, j »ai plutôt le sentiment qu’elle renforce la culpabilité, l’impuissance et le découragement. Sentiments qui perdureront à l’âge adulte. La sanction permettrait à nos enfants de se sentir exister à nos yeux ? Sans elle, ils se sentiraient délaissés, abandonnés même ? N’y a-t-il pas là une confusion entre sanctionner et donner de l’attention, tout simplement ?
Il arrive parfois dans mes groupes de travail que certains adultes se plaignent en effet de ne pas avoir eu de limites. En creusant la question, ils se rendent compte que c’est l’attention et la tendresse qui leur ont fait défaut. La négligence n’est pas de la bienveillance.
Quand les adultes sont punis
J’aimerais partager avec vous cette observation faite dans une école maternelle en Israël [1]. Les parents arrivaient parfois en retard pour venir récupérer leur enfant, et cela gênait le fonctionnement de l’établissement. Des chercheurs eurent l’idée de demander au personnel d’afficher un panneau qui modifiait les règles : dorénavant, tout retard serait
sanctionné par une petite amende. Les retards furent plus nombreux, car les parents en payant se sentaient ainsi « libérés » de leur action délictueuse. Je sais, je vous ai dit le contraire quelques lignes plus haut.
Mais écoutez plutôt : avant l’amende, ils étaient sensibles aux problèmes du personnel et essayaient sincèrement de faire de leur mieux. Payer leur a donné la possibilité d’être en retard en toute légalité, et les a déconnectés de l’empathie qu’ils ressentaient au départ pour le personnel. Il existe pléthore d’études démontrant que la punition est vraiment inefficace dans tous les domaines. Et si nous l’abandonnions au profit de nouvelles façons d’être ? C’est l’objet de ce dossier, bonne lecture !
[1] Expérience relatée dans La vérité sur ce qui nous motive, Daniel Pink, Leduc éditions (2011)
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