Le langage de l’éducation

De : Catherine Dumonteil Kremer – Peps 2013

À chaque fois que je vais chez le coiffeur c’est pareil ! J’ai l’impression que je vais perdre
mon temps et j’emporte avec moi quatre ou cinq livres soigneusement choisis. Et puis, au moment où, posée sur mon siège, les pieds légèrement surélevés dans la position idéale pour lire, je m’apprête à ouvrir un de ces ouvrages qui va sûrement changer ma vie, j’entends la pile de magazines féminins posée à côté de moi qui m’appelle:

«Prends-moi», «Prends-moi». C’est la voix irrésistible des sirènes! «OK, j’arrive…» Et me voilà en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire avec un numéro
d’«Avantages» entre les mains. Eh bien mes amis, je ne regrette pas d’avoir succombé à
la tentation.

Me voici encore face à un article sur l’éducation qui me laisse perplexe. «Là, je recadre»: c’est le titre, attirant pour les parents, c’est certain. Comme souvent, je
remarque le vocabulaire de l’éducation, si dévalorisant pour les enfants et les jeunes en général. Cet article me propose d’agir sur mon «petit diable» ou un «ado revêche». Si mon enfant est une «terreur à l’école», ou bien «s’il pique sa crise au resto», s’il me prend pour «sa bonne» ou qu’il est «malpoli».

Hystérique? La «crise d’hystérie au supermarché» m’a poussée à réfléchir. Comment considérer toutes ses actions comme légitimes si je pense au fond que mon enfant est un diable qu’il faut
dompter, que ses désirs sont des caprices, qu’il fait vraisemblablement exprès de vivre sa crise de rage en public?

Car ainsi il me contraint à lui donner de l’attention. Je viens de voir avec grand plaisir «Oh my god» un film de Tanya Wexler, montrant une époque où c’est aux femmes que l’on reprochait d’être hystériques, simplement parce
qu’elles manifestaient leur indignation, qu’elles étaient vivantes. Elles n’avaient pas le droit d’être elles-mêmes sans qu’on leur en fasse le reproche! Et ce qui était préconisé dans
certains cas, c’était l’internement.

Nos
enfants ne sont pas hystériques, ils sont simplement contraints à vivre à un rythme qui ne répond pas à leurs besoins. Ils empilent des tensions en eux, ils apprennent à les contrôler, et puis au moment où nous nous y attendons le moins (en particulier lorsqu’il s’agit de notre premier bambin), n’y tenant plus, se roulent par terre en hurlant.

Être à l’écoute de sa crise
Je me demande parfois ce qui pourrait me plonger dans un tel état, probablement beaucoup
de fatigue, un grand sentiment d’injustice et d’impuissance. Cela développe ma compassion
quand mon enfant est en crise. J’essaie de protéger sa dignité des commentaires dépréciatifs du public quand il y en a un, en l’emmenant tant bien que mal dans un endroit à peu près tranquille.

Et j’essaie d’être à l’écoute de ce qui se passe en lui.
Puis je reviens à moi, car c’était peut-être très difficile, voire exténuant, ou bien carrément
révoltant. J’ai peut-être eu envie de taper, de crier aussi, de hurler même ma propre rage! Celle qui n’a jamais été écoutée par mes parents.

Et qui de ce fait m’a poussée à un moment de ma vie à considérer ces «crises» comme une sorte de comédie à laquelle les adultes
devraient mettre un terme définitif.

1 «Avantages » de novembre 2012

« Avantages »
m’a rappelé que je ne veux pas d’éducation, mais un accompagnement de mon enfant. L’accompagnement de cet être unique, qui va se développer à sa façon et provoquer en moi des révolutions quotidiennes.
Éprouvant et jubilatoire, ne trouvez-vous pas?

Zut alors, c’est un peu comme notre bouteille de gaz elle en est toujours à son dernier souffle quand nous recevons du monde ! Enfin, ce n’est jamais « le bon moment » pour jouer, parler et écouter. Pourtant notre vie est faites de ces moments, ces minutes précieuses que je laisse s’échapper, ces petites périodes où je pourrais me connecter à mes enfants un peu plus, j’en ai de plus en plus conscience : je dois apprendre à leur dire de plus en plus souvent « oui », même si cela ne m’arrange pas. Rien n’est plus important que nos relations n’est-ce pas et celles que nous avons avec nos enfants le sont encore bien plus que les autres.

Alors si vous êtes victimes du syndrome du « attends », « pas maintenant », « attends deux minutes », « tu dois apprendre à attendre » pensez que viendra un moment où il sera trop tard pour être proche de votre enfant, chaque moment que vous passez avec lui, chaque minute d’attention fera partie intégrante de ce qu’il est…

A chaque fois que vous dites oui, vous lui donnez une sécurité affective qui le soutiendra toute sa vie. L’entretien de votre maison peut attendre, la confection ndes repas aussi, vos chers livres seront toujours là quand vos enfants auront quitté la maison, vos petits grandissent et chaque minute vous rapproche d’une relation très différente, ils seront toujours dans votre coeur mais dans vos bras ?

Alors avez-vous joué avec votre enfant aujourd’hui ? Ce sera le défi pour cette semaine, un jeu chaque jour avec vos petits… Tenez-moi au courant, je ferai de même.

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Gérer les conflits cultiver la bienveillance

La paix dans une relation n’est pas l’absence de conflits, mais la capacité à les gérer. En apprenant à accueillir les différences et à résoudre les conflits, nous œuvrons pour la paix dans le couple, la famille et la société. Ce numéro PEPS vous donne toutes les clés pour y arriver !

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Catherine Dumonteil Kremer parentalité positive bienveillante

Catherine Dumonteil-Kremer, formatrice en parentalité positive

Avec plus de 30 ans d’expérience dans le soutien à la parentalité non violente, Catherine Dumonteil Kremer a fondé la Journée de la Non-Violence Éducative (JNVE) en France en 2004. Elle a créé le métier de consultant en parentalité et le programme « Vivre et Grandir Ensemble », premier programme français validé par la recherche.

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