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Parentalité Créative

Petit guide de sortie de route

La norme apparaît quelquefois comme une autoroute lumineuse, facile, où nous sommes nombreux à aller dans la même direction. Nous ressentons le confort qu’il peut y avoir à vivre comme tout le monde. Et nous finissons par être en mode pilote automatique.

Nos enfants sont les spécialistes de la découverte, du questionnement, de la réinvention de la roue. À leurs côtés, il nous arrive de recouvrer ce que nous sommes vraiment au fond : des êtres faits pour apprendre, trouver des solutions et avancer. Nos petits reviennent sans cesse à la charge, réactivant nos blessures d’enfant, celles que nous aimerions oublier plutôt que de les travailler. Et peu à peu, cela nous aide à devenir plus aimants, coopératifs, créatifs, pleins de vitalité. Préoccupés par le bien-être de nos familles et de notre environnement, même si cela nous rend proche la marginalité.

Il nous a fallu des rencontres, des lectures, la participation à des groupes de parents, les réseaux sociaux, pour avancer sur ce chemin unique du respect de soi, de nos enfants et des autres. Prendre les chemins de traverse n’a pas été simple et le soutien des autres autour de nous s’est souvent avéré décisif.

Parfois aussi, les sorties de route nous sont imposées par la vie : nous n’attendions pas un enfant si extraordinaire que cela, nous ou nos enfants ont une santé défaillante, nous perdons notre statut social brutalement, un deuil peut aussi nous faire prendre conscience du fait que la vie est courte et nous donner à réfléchir sur ce que nous voulons faire du reste de notre vie.

Voici quelques pistes pour les sorties de route :

  • Essayez de ne pas rester seul. Internet est le moyen le plus efficace de retrouver les personnes qui vivent les mêmes choix ou situations que vous. Partout, il y a des groupes de soutien qui se réunissent en ligne. Le nombre de cerveaux créatifs qui constituent ces regroupements est très riche. Vous allez avancer très vite !

  • Quand vous recevez des jugements, pensez que la personne qui les formule est un ancien enfant blessé justement sur le sujet où elle formule des critiques à votre égard. Elle est peut-être inquiète pour vous et pour vos enfants. Apprenez des techniques d’écoute active. Celui qui vous critique aujourd’hui sera peut-être un excellent soutien pour vous demain.

  • Même si vous n’avez pas encore sorti la tête de l’eau, vous pouvez aider autour de vous des personnes qui se lancent. C’est très appréciable d’avoir le soutien d’un débutant, on peut se sentir proche de lui car il chute encore souvent (c’est le cas pour ce qui est d’éliminer complètement la violence éducative ordinaire, il faut d’abord l’identifier pour ensuite essayer de ne plus y avoir recours) et ce soutien mutuel vous enrichira beaucoup.

  • Restez ouvert, il y a un piège à devenir un « conformiste de l’anticonformisme », cela ne nous aide pas et fait fuir les parents qui aimeraient accompagner leurs enfants comme vous.

  • Peut-être connaissez-vous cette expérience sur les groupes citée par Milgram : l’expérimentateur donnait à six personnes des bandes de papier de longueur différente et leur demandait de repérer la bande d’une longueur identique à celle qu’il leur présentait. Tous les sujets de l’étude étaient complices sauf un. Quand les cinq autres se mettaient d’accord pour donner une réponse fausse, le sixième donnait la même réponse qu’eux, même s’il était évident que ce n’était pas la bonne [1]. Douter est très fatigant mais cela s’avère parfois nécessaire, même si nous avons tellement envie d’être d’accord avec notre groupe de pairs.

  • Développer sa conscience est le travail d’une vie, vivre est un processus, une succession d’expériences. Il nous faut du courage pour choisir ce que nous voulons vraiment en dehors de toute pression des normes en vigueur.

  • Quand nous dépassons notre peur de ne pas être conforme, nous montrons aux autres un exemple très fort qu’ils n’oublient pas…

  • La route est longue et ce que vous allez déconstruire et reconstruire n’a pas vraiment de limites, plus on remet en question la norme en fonction de nos désirs et besoins, plus on s’en éloigne, et plus on se rend compte que tout est possible…

« Finalement, ici, les enfants font ce qu’ils veulent » affirmait un visiteur de l’école de Maria Montessori, et je crois qu’à cela elle répondit : « Ils veulent ce qu’ils font… »

C’est une direction que je trouve intéressante, vouloir ce que nous faisons en toutes circonstances…

Catherine DUMONTEIL-KREMER

[1]  Stanley Milgram, Soumission à l’autorité, éditions Calmann-Lévy.

encadré

« Nous craignons tous d’être rejetés car il existe toujours quelqu’un ou quelque chose pour le faire : une personne, une communauté, un travail, un sentiment, toi-même. Te demander si tu es normal (tu l’es) est une question sans fin. Mais quand tu comprendras que la normalité, en fait, n’existe pas, tu cesseras de demander au monde la permission d’être qui tu es. Tu peux passer toute ta vie à changer sans cesse de personnalité afin d’éviter d’être rejeté par les autres, mais ce sera vain. La seule manière de t’en sortir est de renoncer à essayer et de t’accepter. »

Extrait de Mon amie la peur, de Meera Lee Patel, Le Livre de Poche

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