Si j’en crois certains spécialistes de l’adolescence, les jeunes ont la réputation d’être en guerre avec les adultes, ils ne partageraient rien avec eux, si ce n’est des conflits récurrents !
« Si vous ne vous entendez pas, c’est qu’il y a un trop grand écart d’âge entre vous, vous ne partagez pas les mêmes centres d’intérêt, les valeurs de la société ont évolué, vous êtes dépassés ! » C’est ce que l’on entend fréquemment quand on est parent d’un adolescent, le fossé générationnel est une explication logique aux conflits qui surviennent dans la relation.
Pourtant, quand je vois Etienne, 16 ans, apprendre à un de ses amis (35 ans) les rudiments de l’informatique, j’ai bien du mal à croire à ce fameux fossé !
Colette (14 ans) apprend à coudre avec Virginie (45 ans) par le biais d’internet, elles sont proches, et partagent beaucoup.
Il y a des différences d’âge, d’expérience, rien qui empêche l’établissement d’une relation saine et riche.
Une relation hiérarchique oppressive
Si l’on observe la situation des adolescents de plus près, un élément ne nous échappera probablement pas : la relation hiérarchique forte entre les adultes et jeunes.
Cette dernière s’est parfois renforcée depuis l’enfance, car les enjeux sont devenus beaucoup plus importants. Parents et enseignants se sentent plus que jamais chargés de l’ « éducation » des jeunes. Les liens sont alors appauvris par une autorité qui aura pour but de conduire les mineurs vers des objectifs qu’ils n’ont pas eux-mêmes choisis. La pression scolaire augmente avec les orientations successives qui conduiront les jeunes vers un avenir professionnel de plus en plus lié à l’obtention de diplômes.
Ces rapports de force permanents ont rendu presque impossible l’établissement de liens adolescents adultes.
Ce fossé existe-t-il et par qui a-t-il été creusé ?
Il suffit qu’un adulte accepte d’entrer dans le monde d’un enfant par l’intermédiaire du jeu par exemple, pour se rendre compte que les touts petits adorent créer des liens avec les grands, ils ne font aucune ségrégation par l’âge, ils sont complètement ouverts et enthousiastes à l’idée de chahuter, de rire avec un individu quelle que soit sa génération. Ce que j’observe chaque jour dans les familles, me permet d’affirmer que cela continue longtemps. Un enfant de 10 ans, sera ravie de bénéficier de l’amitié d’un adulte qui sait s’intéresser à lui… Et bien sûr, cela continuera au moment de l’adolescence.
Une recherche assidue
Les jeunes recherchent avec beaucoup d’assiduité le contact avec les adultes, ils essaient de confronter leurs opinions, de partager leurs affinités, de parler de leurs projets (comme tous les êtres humains quel que soit leur âge), mais il est rare qu’ils trouvent une écoute dénuée de jugements, de conseils qui véhiculent immédiatement à leurs oreilles le message suivant : « Je n’ai pas confiance en toi, les choix que tu veux faire ne sont pas bons pour toi, tu as encore beaucoup à apprendre, tu manques d’expérience, heureusement, je suis là pour te guider. »
Leur réaction est immédiate : »tu ne me comprends pas, tu ne comprendras jamais rien… » Les portes claquent, la colère monte.
C’est ainsi que le fossé se creuse du fait de notre seule initiative. Nos enfants sont blessés, nous associons leur réaction à de l’irrespect, et nous voilà pris dans la spirale de cet abîme générationnel.
Au cœur du découragement, il nous arrive même d’abandonner notre fonction de parent aux amis de nos enfants. Nous nous déchargeons de nos responsabilités, après tout n’est-ce pas l’âge de la bande de copains, ils sont toujours ensemble, c’est naturel !
Un grand besoin d’échanges avec des adultes
Mais les pairs de vos jeunes sont dans l’incapacité de vous remplacer, vous êtes uniques, et il vous appartient de maintenir le lien et de l’entretenir. (Ce sera l’objet d’un prochain article.)
Les adolescents ont également besoin de la présence d’autres adultes que leurs parents, des individus capables de les écouter et de partager avec eux. Des personnes qui par leurs choix de vie constituent de puissants encouragements pour un adolescent.
Votre communauté d’amis est un vivier pour votre enfant, il y trouvera sûrement des adultes avec lesquels il pourra échanger sans être infantilisé. Si vous êtes isolés, sachez que les rencontres écologistes, pacifistes, de parents non scolarisants (ouvertes à tous d’ailleurs le plus souvent), ou autres sont des lieux intéressants pour vos jeunes.
Les individus passionnés par leur métier, par exemple, sont de véritables aimants pour les adolescents, car ils savent montrer leur savoir-faire avec beaucoup de plaisir et les jeunes sont avides d’apprendre à partir du moment où ils l’ont choisi.
Le fossé des générations, un mythe ?
Ce fossé des générations me semble être un mythe. Les adolescents aiment être en relation avec les adultes et les personnes âgées, à une simple condition : être respecté, et considéré comme un individu qui a les mêmes besoins que les autres.
Notre manière de traiter les jeunes, nos enfants et ceux des autres, pourra évoluer si nous parvenons à laisser de côté les objectifs que nous avons pour eux, pour nous focaliser sur la relation que nous voulons vivre avec eux.
Si nous abandonnons le contrôle au profit d’une attention sincère, d’une profonde confiance, et d’un plaisir manifeste dans l’échange !