Apprivoiser la relation de couple
« Deux valent mieux qu’un », Ce Verset biblique est plein de bon sens ! Il y a tant à faire dans une famille, l’accompagnement des enfants, la gestion du quotidien, la recherche de solutions dans les situations difficiles, l’organisation de célébrations, le maintien des liens avec les grands-parents, l’entretien des amitiés qui nous tiennent tant à coeur…
Pourtant, si j’en crois les ressentis exprimés par les parents que je rencontre chaque jour, être deux est parfois un obstacle plus qu’une aide, en particulier quand il est question de répondre de façon adaptée aux besoins des enfants.
« Mon compagnon est absent trois jours par semaine, j’ai beaucoup plus de facilité à répondre spontanément aux demandes de mon bébé quand il est absent. Je ne me pose pas de questions pour dormir avec lui ou l’allaiter à la demande. Quand son papa est là, j’ai le sentiment qu’il s’oppose constamment, en essayant de me culpabiliser de lui donner de mauvaises habitudes. J’ai l’impression qu’il réclame aussi sa part d’attention, et que dans un tel contexte il n’obtient rien de bon… »
Ils étaient si amoureux les premières années, et la décision de mettre des enfants au monde leur paraissait comme la suite logique d’une relation intense d’amour et de confiance.
Le coup de foudre : quand notre inconscient nous joue des tours !
L’amour est le domaine dans lequel nous sommes le plus assujettis aux automatismes de notre cerveau [1]. Le choix d’un partenaire n’est la plupart du temps pas guidé par des pensées conscientes, la décision est prise par notre inconscient à notre insu bien avant que notre conscience s’en mêle. Et donc nous ignorons qui est réellement la personne dont nous sommes tombés amoureux. Elle va se révéler peu à peu au fil du temps et des circonstances.
Dans un tel contexte, une fois passée la période rose où les endorphines élèvent fortement notre seuil de tolérance (soit après trois ou quatre ans), les conflits vont permettre au couple de se découvrir chaque jour un peu plus. C’est au moment même où nous ouvrons les yeux que l’aventure devient intéressante, car le conflit, s’il permet de rencontrer l’autre, aide également à une meilleure connaissance de soi.
Les critères de choix de l’inconscient
Notre inconscient nous pousse à choisir la personne « mythique » qui potentiellement pourrait combler tous nos besoins et guérir nos blessures d’enfant. Nous sommes à la recherche d’une relation exclusive et fusionnelle qui fait penser à celle qu’une mère peut avoir avec son bébé, mais à laquelle on donne le nom d’amour romantique. La personne choisie a le plus souvent de nombreux points communs avec nos parents, c’est ce qui nous amène à croire que nos désirs sont devenus réalité. Nous avons parfois le sentiment d’avoir rencontré notre âme sœur. Le philtre d’amour constitué de dopamine, d’endorphines et d’ocytocine nous rend heureux et léger !
Nous sommes nombreux à contester cette idée d’avoir choisi un partenaire ressemblant à nos parents, peut-être même avons-nous tout fait pour trouver quelqu’un qui soit différent d’eux. Mais la majorité d’entre nous sont attirés inconsciemment par des personnes ayant des caractéristiques positives et négatives en commun avec nos ascendants, c’est l’idée que développe le psychothérapeute Harville Hendrix dans son livre Le couple, mode d’emploi [2]. Il propose aux couples qui viennent le consulter un exercice édifiant sur ce thème : il s’agit de chercher quels sont les points communs entre leurs parents et leur conjoint, pour aboutir à une union plus consciente.
Ce qui nous séduisait chez l’autre au début de la relation a tendance à nous agacer quelques années plus tard. Les reproches fusent alors parfois, du genre : « Tu me traites comme mon père le faisait. », « Tu ressembles de plus en plus à ma mère. »
Le couple est vraiment le premier terrain de développement de soi. En réactivant les schémas parentaux, il est un facteur de prise de conscience profonde qui nous amène progressivement à une relation d’intimité de plus en plus vivante.
Penser en termes de besoins
Quand un conflit survient, pour éviter de se lancer à la figure toute une série de reproches, il peut être constructif pour chacun d’évoquer ses besoins. Cela permet de s’abstenir de tourner en rond dans la plainte et d’aller un peu plus rapidement à la recherche de solutions. Olivia, rencontrée lors d’un travail avec des couples, relate : « Avant que je n’en prenne conscience, tous mes besoins reposaient sur les épaules des autres, et notamment celles de mon mari. Il se sentait totalement en charge, il culpabilisait quand je me sentais malheureuse. Le moindre oubli de sa part me rendait amère… J’essaie aujourd’hui de m’occuper de moi, toutes les réponses ne passent pas par mon compagnon. Quand chacun s’occupe de ses propres besoins, la vie devient beaucoup plus simple. Nous nous soutenons, et nous aimons d’autant plus que nous savons garder une certaine indépendance, ainsi que la responsabilité de notre propre vie. »
L’écoute silencieuse : une instance de régulation
Carl Rogers, dans son livre Réinventer le couple [3], parle de l’importance de l’authenticité. Un couple reste vivant lorsque chacun continue à partager ses ressentis, ses émotions, quels qu’ils soient. L’écoute silencieuse peut aider le couple à partager une intimité qui resserre les liens. Il s’agit de prendre une heure si cela est possible, et d’écouter silencieusement son partenaire pendant la moitié de ce temps. C’est un rendez-vous salvateur pour les deux partenaires, qui grâce à ce moment de connexion apprennent à se connaître de mieux en mieux. Et au quotidien, les conflits sont de plus en plus vite résolus.
Est-ce que tu m’aimes ?
C’est très souvent notre enfant intérieur qui pose cette question, cet enfant qui ne savait jamais vraiment s’il était aimé par ses parents. L’amour, c’est bien autre chose qu’une confirmation un peu stérile qui se voudrait rassurante, un défi pour les anciens enfants blessés que nous sommes. L’amour, c’est l’acceptation de l’autre tel qu’il est, c’est le soutien de ses projets, de son développement personnel, c’est aussi la capacité à être de plus en plus fidèle à soi-même. Assurément, le couple peut vraiment nous aider à grandir !
Catherine DUMONTEIL-KREMER
[1] Cf. Allan Snyder, directeur du Center for the mind de l’université de Sydney, dans le documentaire Le cerveau et ses automatismes, diffusé sur ARTE en février 2013.
[2] Cf. page ressources
[3] Id.
Dire, reconnaître, aimer…
Quand la tension monte, quand la colère nous envahit, quand on est tellement à bout qu’on aimerait se lancer des flèches de feu empoisonnées, s’arracher les cheveux et disparaître, mon mari et moi avons souvent le bon réflexe : transformer le vomi de reproches en respect, amour, et reconnaissance. L’un de nous prend son courage à deux mains et prend l’initiative. La technique de base est simple : parler chacun à son tour en commençant par ces trois débuts de phrases (dans l’ordre !) :
“Quelque chose que je voulais te dire…”
“Quelque chose que je te reconnais…”
“Quelque chose que j’aime en toi…”
La première phrase amène souvent son lot de reproches et frustrations, la colère est là et on a l’impression que rien ne pourra y faire. On aimerait sauter les deux passages suivants, camper sur notre position avec orgueil et ne pas aller vers l’autre. Pourtant, dès la deuxième partie de l’exercice, notre cœur s’ouvre. Celui qui le dit se reconnecte à l’amour pour l’autre et celui qui écoute se sent reconnu puis aimé dans ce qu’il est, dans ses efforts, dans son être tout entier. C’est agréable de se rendre compte que notre partenaire nous observe et nous connaît, peut-être même plus que ce que l’on pensait. Ces deux dernières phrases, pleines de chaleur, de détails de la vie quotidienne et de grandes vérités nous font fondre de plaisir. Le dialogue devient apaisé et constructif. Cette écoute mutuelle en trois temps est extraordinaire. Elle permet de dire des choses pas faciles sans perdre contact avec l’autre et sans atteindre sa dignité. Chacun se sent entendu, reconnu et aimé.
Myriam Nordemann
Inscrivez-vous à la newsletter !
Ne manquez plus aucune information !